lundi 28 décembre 2015

Chronique d'humour et de blessure du 28 décembre 2015




COMME toujours, j’allais écrire comme tout le monde –avant d’hélas me raviser- je voyais Noël arriver avec la même suavité. Les enfants et les petits-enfants -enfin la plupart !- à la maison, les cadeaux, les sourires, les rituels apaisants, régénérants… Tout ce qui explique que l’on s’attache fermement à la vie.
Puis le chemin, toujours recommencé, vers mon Tarn natal, Graulhet où se perdent mes racines  jusqu’à la nuit des temps et mes chers parents qui m’attendent, sans doute comme jamais. Cette présence durant les fêtes je la leur ai toujours accordée, même lorsque ce n’était pas facile. Parce que je la leur rendais… et que Marie y consentait.
Cette année je devais filer - un peu coupable de laisser maman et papa changer d’an sans moi – vers l’Aubrac. Ma passion, ma certitude, ma religion. Sans doute ma déraison. L’Aubrac, mais aussi Nasbinals et  Bastide. Je voulais attaquer fort, au premier matin de 2016, un joli blog tout à leur gloire.
Pas entièrement bénévole certes –ce temps viendra – mais avec une force, un dévouement, une conviction dont je me sens encore capable, compte –tenu de mon… jeune âge ! Certes, ce serait  à partager quelques temps avec mes copains de ce rugby amateur qui m’a tant apporté, mais ce serait mon affaire.
D’ailleurs c’est avec eux, ceux de Côte d’Azur, que j’avais ouvert les célébrations de Noël au cabanon de Titin (et de Jean-Michel), ce paradis pradétan où l’on semble déjà naviguer,  tant la présence de la Méditerrannée y est forte. Notre  petit Jésus du Comité –Henri- avait commandé à Jaco  un repas de régime Aubrac : boudin, saucisse, tripous, côtes de boeuf de Conquet, aligot et Laguiole… L’un de ces grands moments festifs et fraternels comme on les aime encore dans le rugby, enfin… au Pradet !
Curieusement, peut-être par l’effet du décalage chinois et malgré la suavité,  je n’arrivais pas à m’y projeter comme d’ordinaire, alors qu’il était pourtant tout proche,  le divin enfant.  Et le lundi précédent, tout à coup, le mollet pris dans un étau, une douleur sidérante. Deux coups de fil à mes docteurs et les urgences de Saint-Anne. Je l’aime beaucoup, Anne –et elle le sait- mais ce choix relevait plus, en l’occurrence, d’un pari sur une prise en charge d’excellence. Ceux qui accueillent les grands blessés des plus beaux théâtres de guerre, ne défailleraient pas devant les spasmes d’une seule guibole.
Mais le « Jacanarco » dans un hôpital militaire, portant un nom de… nonne, c’est quand même pas banal ! La douleur était largement passée dans la Renault (marque recommandée également pour les biens-portants), que Marie conduisait, entre Cuers et le pied du Faron, au klaxon.  Ce qui me faisait alterner rictus de douleur et sourires crispés à l’idée que je pourrais, en cas de survie, vous le raconter. Certes nous n’étions pas encore dans les fameuses scènes de  poursuite de Casino Royale, mais mon chauffeur faisait du « Bond » en collant au cul des vieux, croulants dans leurs  wolksvagen.
Ils me prirent pour un citron, les urgentistes, lorsque je suis entré dans le bureau de l’infirmière en décrivant, benoîtement, mes atroces douleurs au mollet, à peine apaisées. Car ce n’est que deux heures et demie plus tard, après avoir pris tout ce qui arrivait d’anciens, pantelants, suffocants, gémissants, grimaçants et souvent …simulant  (puis qui repartaient peu après satisfaits qu’on se soit préoccupé en priorité de leur si auguste personne),  qu’ils s’intéressèrent enfin à moi.
J’étais à bout de nerf, lorsque j’entendis une doctoresse adresser à une mémé qui venait encore de me passer devant et faisait un pas à la minute : « Prenez votre temps, on n’est pas pressé ! » A une époque, je me serais immédiatement levé et serais rentré chez moi de rage et de dépit. Mais à la troisième alerte sur ma béquille gauche, je jugeais plus raisonnable de ronger mon frein. Enfin bon, ma chère Anne, toute Sainte que tu sois, il serait temps que tu admettes que l’on peut être « jeune », ne pas gémir et pourtant avoir autant besoin de soins urgents qu’un vieillard, fut-il retraité de l’armée !
En même temps, je vous raconte tout ça, mais quel intérêt ? Je suis encore vivant… Et quand bien même, qu’elle importance ? Si ce n’est évidemment pour mon papa, ma maman et, accessoirement, ma femme ?
Depuis le 7 janvier, je vous l’ai assez dit, je ne rate jamais un Charly. Je l’étais bien avant que cinq millions de nos compatriotes aient eu l’honneur de le clamer. J’aimerais tant qu’ils s’en réclament encore… Depuis lors, aussi, je m’installe  toutes les semaines dans le Jacuzzi des Ondes , la chronique de Philippe Lançon. Critique littéraire de « Libé », spécialiste des médias, il veillait au grain des manipulations de la terrible lucarne libérale consumériste et de la connerie mondialisée.
Philippe Lançon assistait à la conférence de rentrée de l’hebdo, le 7 janvier dernier,  lorsque : tac-tac-tac... Il en a pris partout. Dans la bouche, les bras, le thorax. Il aurait dû, en toute logique, embarquer pour nulle part, avec ses illustres congénères du crayon acéré, éclairé, flamboyant.  Mais non aucune balle n’est venue se loger là où elle ne fait même plus peur, même plus mal. Il ne serait qu’une gueule cassée de la liberté d’expression laïcisée. De résistance sous toutes ses coutures. De souffrance sous toutes les sutures.
Et là, mon Charly, encore chapeau bas ! Les profs, Choron et Cavanna, seraient fiers de vous. Parce que laisser un mec pendant des mois à l’hosto pour raconter ce qu’est vraiment l’enfer (pendant et après), laissez-moi employer les grands maux : c’est du génie ! Un morceau Kouachi du journalisme.
Philippe Lançon a été trituré, greffé, martyrisé. Monté au bloc, remonté, démonté. Sans jamais vraiment sembler se plaindre.  Lui, le témoin du pire, ne renverrait que le meilleur, sans jamais renchérir sur l’horreur.
La première perspective d’horizon lorsqu’il redécouvre l’Océan dont la marée vient le caresser du regard. Je m’imagine retrouvant l’Aubrac après avoir cru à jamais le perdre…
Son premier verre de vin, cinq mois après la gueule de bois. J’en souris honteusement, moi qui après une semaine d’hosto et à l’eau, ne connaît plus que trois régions en France : le Gaillacois, le Marcillac, le Provence… Philippe occulte ses souffrances même si depuis bientôt un an, au détour d’un mot, d’une virgule, d’un accent, je pressens un aïe, un ouille… Durant tout ce temps, il a surtout cotôyé un milieu angélique, infernal à la fois. Le même que celui dispensé dans les pages voisines par un autre chroniqueur  magnifique de délicatesse, de beauté, de bonté. J’aurais aimé être accueilli, lundi dernier par Patrick Pelloux, même si j’ai enfin trouvé dans le regard de mon chirurgien,  le docteur Béranger, tout ce qui m’avait manqué dans celui de ses prédécesseurs.
Philippe aussi ne parle que d’Humanité. Celle manifestée, sans afféterie par ces femmes et ces hommes qui semblent programmés non seulement pour vous border, vous laver, vous lever, vous soigner, vous sauver, mais aussi vous aimer. Perception rare. Unique. Troublante.
Bien sûr, on y est plus sensible lorsque c’est autour de vous que des gens qui vous valent cent fois,  semblent  ne plus avoir que vous d’ultime préoccupation. Mais tout de même quel plus beau métier ? Quel plus dur métier que celui de brancardier,  de professeur, d’aide-soignant, d’interne, d’infirmier ? Lorsqu’on ne sait jamais ce qui va arriver ni… dans quel état !
Du grand mandarin de médecine au balayeur de l’hôpital public ou des armées, gloire à ceux qui accompagnent si généreusement les chroniqueurs de Charly et les petits blogueurs du lundi…
Jaco 

 

dimanche 20 décembre 2015

Chronique d'HUMOUR * du 21 décembre 2015



        Que ma montagne est belle !       


Vous connaissez l’Aubrac, la Lozère, Nasbinals ? Je sais, vous connaissez !
Depuis le temps que je vous en raconte des belles histoires d’hommes, de passion, de territoire…
Et bien ça y est, je vous y emmène. A partir de janvier, je vais dédier un blog tout entier à ce pays et toutes les semaines je vous transporterai au grand air de ce plateau d’altitude où toutes les saisons donnent envie de vivre et méritent d’être vécues. Nous irons voir chez Bastide si la vie est belle. Et elle l’est…
J’ai aimé durant ces cinq dernières années alimenter ce rendez-vous hebdomadaire où, au gré des circonstances j’ai gagné des lecteurs, puis en ai perdu, puis retrouvé… ou pas !
Défendre une certaine idée de la société où la solidarité et l’humilité triompheraient des égoïsmes et de la fatuité ; louer l’égalité et le mélange des races ; ridiculiser ces religieux de tout bord –et barbe-, leur putain d’ordre moral, leur prophète et leur manif pour tous ;  plaider en faveur de la nature et pourfendre les aéroports ; honnir tous ces nantis qui trouvent que la France va mal mais roulent « allemand » comme des benêts dans des wolksvagen ou comme des petits voyous des quartiers nord en audi ou bmw ;  bannir ces sportifs narcissiques gonflés aux hormones, au pognon et leurs supporters idiots ;  vomir sur Mac Do, KFC mais aussi ceux qui y mangent ; gerber sur le FN en aspergeant ceux qui votent si mal … Traquer les snoc dans leur égo, les avions, leur bagnole made in germany, leur mesquinerie, leur vote, leur tour d’ivoire… cela m’a plu et si je ne touchais pas des millions de gens, je tenais tout de même cela pour utile.
Utile, peut-être, parce qu’en ces temps déphasés, corrompus, superficiels où l’on ignore de Jaurès jusqu’au nom et l’existence, il faut des gens pour rappeler ce que c’est que l’humanité. Qu’il n’y a pas que le dernier  iPhone, les pistes de Courchevel (déneigées quel pied !!!) et les plages de Maurice…
Utile, sans doute davantage pour moi, qui en me livrant à cet exercice hebdomadaire me suis sûrement dispensé de quelques mauvais ulcères.
Et le seul vrai risque en effet, à arrêter brutalement, de vider mon sac, c’est que cela me reste sur l’estomac.  C’est pourquoi, en cessant de m’indigner sur tout et parfois –je l’admets- n’importe quoi, je me promets, je vous promets, de revenir un jour reprendre ces chroniques là où je les arrête.
Que ce soit dans trois semaines ou dans deux ans, je crains d’en avoir largement la matière. Comme cette semaine où, après avoir apparemment défrisé un ami qui m’est cher, mais qui se sent nettement plus « chinois » que moi, je pourrais froisser des centaines de copains en raillant le gigantesque spectacle de Guignol, que nous ont offert cette semaine nos potos Corses.
Pour ce qui est de la mise en scène, de cet accent à la con savamment entretenu et qu’ont déjà les bébés lorsqu’ils chialent en naissant ; pour ce qui  est du racisme, de l’obscurantisme, de l’étroitesse d’esprit, du banditisme, ces snoc-là volent largement au-dessus de tout le monde. Ce qui nous sauve c’est qu’ils ne sont pas aussi nombreux que les Chinois.

Mais alors, l’intronisation de cette bande d’illuminés peu recommandables au Conseil Régional (qu’ils appellent conseil exécutif ou assemblée corse puisque bien sûr ils ne sont pas comme tout le monde) fut un modèle de  dégénérescence de l’espèce endémique. Incantations sulfureuses, jérémiades anti-parisiennes,  hymne Dio Salvi Régina (enfin un truc dans ce genre)… il ne manquait que les cagoules, les tirs au fusil et un portrait grandeur nature de leur idole, Yvan Colona, dans le parlement ajaccien, pour que la farce soit complète.
Vous me direz que tout ceci n’est qu’une parodie, une pitrerie même et que les défenseurs de l’assassin du préfet de la République Française relèvent plus de la psychiatrie que de la cour martiale. Certes, mais dans ce petit département, il s’est quand même trouvé un électeur sur quatre (53 000 sur 230 000 inscrits) pour faire croire à ces hurluberlus qu’ils étaient dans le vrai et qu’ils devenaient les maîtres d’une nation…
Alors voyez, oui je suis soulagé de mettre un terme à ses chroniques, car j’aurais peut-être fini par me fâcher -aussi- avec mes amis corses. Ils sont trop nombreux dans mon cercle, trop chers aussi, pour que je m'offre le luxe de m'en priver !
Et Dio sait que je l’aime… la Corse.  Presque autant que l’Aubrac. Où les gens sont quand même nettement moins snoc. Il faut dire que nous sommes aussi encore moins nombreux !
Pace salute et adiéoussiat
                                                                                                                         Jaco
* Je tiens à ma maison (même si elle à vendre) et même si elle ne domine pas le golfe de Sagone ou la baie de Porto Vecchio, je n'ai aucune envie qu'elle saute ! Je rappelle donc  à mes amis Corses qu'il s'agit d'une chronique d'humour et qu'il ne faut rien prendre au pied de la lettre. L'humour, c'est un truc qui consiste à rigoler et à dire les choses sans vraiment les penser. Rigoler, c'est quand vous cessez de faire la gueule et de tirer des coups de feu sur n'importe qui... Etc.



Le coup de 
sang de 
mes amis


Du sang dans le maquis par Gérard Estragon

C’est un peu la thématique de cette fin d’année. Car je reviens en Corse et dans la mafia avec le bouquin de Gérard Estragon : Du sang dans le maquis. Je suis un peu penaud car, honoré par une édition chez  l’Harmattan, mon ami aurait mérité que je sois un peu plus diligent puisque  sa sortie remonte à l’été. Pas tant que cela lui soit bien utile, mais plutôt que cela nous plaise de  le saluer bien bas.
Pour tout vous dire, j’ai profité de mon long voyage en Chine pour le lire… Si j’avais su, le temps paru si long que j’aurais emporté ses oeuvres complète et même la Pléiade !!!
Gérard Estragon est,  comme moi, issu de l’intérieur des terres (La Creuse). Mais la différence c’est que lui, il l'aime sa Méditerranée ! De Marseille, où il devint grand,  à Toulon, où il devint heureux. Et à la Corse où il devint navigateur. Alors les parfums de garrigue, les nuances de thym, il vous les restitue à la perfection, y compris lorsqu’ils sont assortis de l’âcre du sang.
J’aime ses romans, parce qu’ils sont empreints d’humanité, de fidélité, d’ironie, de subtilité, de légèreté. Il se prend tellement peu pour un « Goncourt » qu’il en mériterait le prix…
Il faut donc suivre cette romanesque épopée du milieu insulaire qui démarre du Mont des Oiseaux à Hyères (au hasard…) et enfle comme une voile au mistral, entre le bar du Gaz à Bastia et la résidence hôtelière de Porticcio. Il y a Toussaint et Dominique Marquioni. De redoutables voyous au destin pathétique. Le trac, la traque et le tic-tac de la trotteuse dont la marche inexorable n’épargnera personne. Dans le luxe, dans le maquis, dans la fuite, la déchéance, la mort…
J’ai cherché à savoir si Gérard aimait ces truands. Ou s’il composait seulement avec ses personnages, le temps d’une tranche de 230 pages. 
S’il ne les aime pas, ils l’ont bien inspiré. Grâce leur en soit rendue. Morts ou vifs.
Et voici une idée de cadeau. Tardive, mais efficace…

Le sang de Leca par Marc Archippe

On n’en sort décidément pas  car voici que surgit Marc Archippe et « Le Sang des Leca » 
-paru récemment aux éditions Sudarénes-. Originaire de Gascogne par son papa, il est Corse jusqu’au bout du cœur par sa maman. Et par sa grand-mère donc, racontée avec poésie et tendresse dans un univers rude et sans pitié.
Je n’ai lu que l’extrait proposé par Marco sur son site http://www.archippe.fr/, mais ça part très beau, très bien…
Pour le reste, avant que je ne le lise entièrement (sans attendre forcément mon prochain voyage !) je vous propose la note de l’auteur : 
« Depuis mon enfance, j'ai été confronté à l'histoire sentimentale et violente de ma famille corse. En 1952, Jacques Becker a utilisé le fait divers sanglant impliquant Dominique François, un des membres de la fratrie de mon arrière-grand-mère Giacenta, pour son film à grand succès "Casque d'Or" avec Simone Signoret, Serge Reggiani et Claude Dauphin. Pourtant, les autre frères et sœurs de celui-ci vécurent aussi des destins hors du commun. Vies de guerres de drames de larmes et de sang. Lorsque Giacenta est décédée, j'avais 28 ans, âge où il est rare de pouvoir discuter du passé avec un témoin vivant. J'avais un temps pensé à faire un roman m'inspirant de sa vie. Mais au fur et à mesure que j'avançais dans mes recherches, le roman n'était plus nécessaire! La réalité était romanesque par elle-même. Il s'agit donc désormais de ce que l'on appelle un "témoignage" rédigé comme un roman d'écriture créative et reprenant, depuis Alesiu, le père et Augustine, la mère, le chemin dans les pas de leurs quatre garçons et de leurs deux filles. Trois guerres, les assises par deux fois, trois meurtres, le bagne, des histoires d'amour, des enfants éparpillés depuis la Chine jusqu'à Cayenne... Le sang des Leca. »
Il n’est pas trop tard pour faire un petit cadeau littéraire à vos amis et les bouquins de nos deux amis se trouveront sans peine chez tous les bons libraires (Charlemagne, FNAC et, au pire, sur les sites de vente en ligne…)

mercredi 16 décembre 2015

Chronique d'humour (et de voyage) du 15 décembre 2016



          Je me suis senti bridé                


ON avait choisi le Mexique… C’est bien le Mexique !  Si on ne finit pas en garniture dans des fajitas, on s’expose juste à quelques démangeaisons matinales uniques dans les … anales.
Mais la Chine franchement ! A moins d’être sévèrement puni…
Je m’attendais au pire et je fus comblé. Parfois même, mon imagination fut prise en défaut. Résumons-nous : quelques bonzes, pas mal de bronzes et du Bouddha… Ah  j’oubliais : des immeubles de trente étages où les camarades, toujours égaux dans la misère sont désormais stockés hors sol, afin de ne plus souiller une terre désormais en friche où l’on a tout laissé en l’état un peu comme après le passage de l’ancêtre Attila ou de Daech à Kobane.
Après, dire que l’on s’ennuie lors d’une visite en Chine serait nettement exagéré. Les nombreux contrôles de passeport  par des hordes de policiers courant après va-t’en voir qui ( ?) offrent une distraction de choix. D’autant que  ces gens sont fort polis. J’entends par là qu’ils ne vous tapent pas. Car pour le reste, jamais un sourire ou ne serait-ce que la plus infime expression ridant leur peau lisse. A quoi bon ?
Mais à aucun moment ce séjour n’aura atteint son paroxysme de dépaysement  aussi bien qu’à table. Un raffinement de tortures en tous genres ! Malade et à bout de force –je ne traversais pourtant pas le désert de Gobi –je finis par me jeter sur un pot de miel, trouvé en pharmacie qui allait peut-être me sauver du dépérissement annoncé. C’était d’autant plus agaçant que nos charmants compagnons de voyage  -nous étions cinq en tout et pour tout et j’ai compris pourquoi ensuite…- ne cessaient de prétendre : « miam, que  c’est bon… » Quant à Marie, elle feignait d’acquiescer  d’autant  qu’elle était nettement en cause dans notre présence ici… Bref même si le prix du voyage ne valait pas la peine de s’en passer, je dois reconnaître que le peuple chinois dépasse largement tout ce qu’on peut imaginer en faute de goût culinaire. Et je ne suis plus étonné que le grand Timonier soit plus célèbre pour le petit livre rouge que pour son livre de recettes.
Ne me demandez pas ce que j’ai mangé. A part un vendredi où c’était ravioli et un canard laqué négociable, j’ai préféré ne pas détailler. Il parait qu’il y avait de la viande. Mais sans doute ne parle-t-on pas de la même chose. Vous me direz que c’est bon pour ma ligne et que j’ai dû bien couler. Même pas ! Au contraire, car à force de mélanger le riz blanc biquotidien, le pain de mie, le chocolat  et la bière, j’ai fini par gonfler. Et je ne vous parle pas des cabinets où je commençais à avoir un peu les yeux bridés à force de pousser…
Si vous tenez absolument à ce que je vous concède que j’ai vu quelques belles choses je vous le concéderai. A ceci près que beau n’est jamais le mot. Les Bouddhas sont sacrés, les temples imposants, la Muraille impressionnante, la place Tian An Men glaçante, la civilisation mystérieuse, les dynasties complexes. Et qu’en Chine comme ailleurs rien n’est parfait. J’aimerais ajouter que rien n’est pire, mais je n’ai pas suffisamment  d’éléments qui tendent à le démontrer.
Ce que je me demande c’est ce qu’a fait ce régime depuis Mao et son grand dessein de progrès social et de modèle économique. Mc Do et KFC sont partout –ceci étant il suffit d‘avoir mangé chinois pour comprendre pourquoi les jeunes préfèrent aller chez eux !- les gratte-ciels dévorent l’horizon, les palais de verre scintillent sous les enseignes « banque of China »,  les Porsche Cayenne pullulent par centaines, au même titre que les autres grosses berlines allemandes.
La Chine a réussi cette prouesse  consistant à maintenir plus d’un milliard de pauvres sans perspective et sans joie, sans liberté aussi -des fois qu’ils s’en seraient servi-. Et laissant se dérouler devant leurs yeux et leur parole bridés, un spectacle hallucinant conduit par une caste de privilégiés insolents et  de tyrans méprisants.
Quand ils s’éveilleront, ces anciens communistes trouveront  sûrement aussi une Marine, dans les bras de laquelle ils n’auront plus qu’à se jeter …
Quant à moi j’ai pu vérifier avec certitude –ce qui est très rare- que je ne suis décidément pas doué pour les voyages !
 Jaco